« J’ai perdu des abonnés et des contrats »: pourquoi les stars du web tentent d’éviter de parler politique

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Squeezie, Lena Situations, mais aussi plus de 200 streameurs… A l’approche des élections législatives anticipées, les influenceurs sont sommés de se positionner par leur communauté.

« Un stress supplémentaire ». Lorsque le 14 juin dernier, Squeezie, second Youtubeur de France, appelle à ne pas voter pour le Rassemblement national, le monde des streameurs est pris de court. Pour beaucoup, il va falloir prendre position politiquement, chose qu’ils ont soigneusement tenté d’éviter jusqu’à présent.

Le mouvement avait déjà été engagé avec les bombardements à Gaza par l’armée israélienne, mais avec les élections législatives anticipées, orchestrées par Emmanuel Macron qui a annoncé une dissolution surprise de l’Assemblée nationale, la pression s’est faite plus forte.

« On ne s’attendait pas à devoir se positionner, il y avait une sorte de statu quo » confie à Tech&Co, Clément*, une figure de Twitch, qui rassemble chaque soir plus de 10.000 spectateurs en direct, et qui avait choisi de rester silencieux sur ces sujets.

Il n’est pas seul à grincer des dents. « Jusqu’à présent, je ne voulais pas me positionner car je pars du principe que Twitch n’est pas l’endroit pour ça, et qu’on n’a pas le droit d’ordonner aux gens d’aller voter ou même d’exiger qu’ils ne votent pas pour tel ou tel parti, » avance Noémie*, une autre streameuse de premier rang.

« Mais avec le message de Squeezie, et plus globalement d’autres très gros influenceurs, on a été mis dos au mur » souffle-t-elle.

« Squeezie ne pense pas aux autres »

« Historiquement, les influenceurs ont toujours pris parti pour des causes qui ne les engageaient pas trop pour ne pas froisser leur communauté », analyse Romain Fargier, chercheur en science politique au Cepel (université de Montpellier). Parmi ces causes, l’écologie, le génocide des Rohingyas ou la répression des Ouïghours. Mais depuis quelques semaines, les prises de positions se font plus marquées.

« Mais c’est vraiment l’enjeu de ces élections, et les risques historiques qui lui sont associés, qui ont poussé les influenceurs à s’engager », poursuit le chercheur.

L’effet de groupe y est également pour beaucoup. « Squeezie est en quelque sorte le porte-drapeau des créateurs de contenu« , souligne Romain Fargier. « Le fait qu’une telle personnalité s’engage, cela force indirectement les autres à se positionner. » Au grand dam des vidéastes.

Pour raconter le déroulement des événements de ces derniers mois, Tech&Co a interrogé 21 streameurs et streameuses de premier plan. Tous ont exigé l’anonymat. Et certains confient un sentiment « d’agacement » face à la prise de position inattendue de Squeezie.

Que ce soit lors du mouvement « All Eyes on Rafah » où face au score aux européennes du Rassemblement National, et pour ceux qui ont fait le choix de s’engager, on retrouve la même polarisation que chez les électeurs. « C’est très Français [cette pression pour s’engager, ndlr], aux Etats-Unis, il n’y a pas ce débat, alors que la situation y est pire, » nous explique Fabien*, un streameur francophone américain, qui évolue devant plusieurs milliers de spectateurs.

« Squeezie a le droit de s’exprimer sur le sujet, mais il le fait sans avoir conscience de ce qu’il va lancer derrière, il ne pense pas aux autres, » se désespère Julien*, streameur depuis 2018.

« Si on ne s’exprime pas, sur les réseaux, il n’y a pas de demi-mesure, on en vient à cautionner quelque chose dont on n’a jamais parlé, » constate Rémi*, un youtubeur qui compte plus d’un million d’abonnés.

« Je sais quelles sont mes idées, mais je ne veux pas les partager, et ça n’a rien à voir avec une quelconque volonté de cautionner ce qui se passe en ce moment, » renchérit Christelle*, streameuse depuis trois ans et partenaire Twitch.

« J’ai perdu des abonnés et des contrats »

« Le propre de l’influenceur, c’est d’être tiraillé entre une idéologie propre et une logique marchande », confirme le chercheur Romain Fargier. Se positionner, c’est donc le risque de perdre des contrats de marque, des sponsors ou encore des abonnés.

Si Squeezie, Léna Situations ou encore Mister V n’ont pas perdu d’abonnés après leurs différentes prises de position, les précédentes incursions des influenceurs dans le monde politique avaient soulevé de nombreuses critiques. Parmi elles, la vidéo de Mcfly et Carlito avec Emmanuel Macron en 2021, qui avait valu un flot de critiques au duo, ou encore l’intervention de Gabriel Attal en 2019 sur le compte de Tibo InShape, également très commentée. De quoi en refroidir plus d’un.

Pour certains, qui ont pris la parole il y a quelques années sur le sujet politique, on confie une lassitude: « J’ai perdu des abonnés, des contrats aussi, tout simplement parce que j’ai voulu débattre de différents sujets très politiques ou que j’ai lancé une remarque sur un fait divers en particulier. »

La tribune, dévoilée par Mediapart, et qui regroupe plus de 200 streameurs appelant à voter pour le Nouveau Front populaire, n’a fait qu’empirer les choses: « Même si la tribune n’a peut-être pas eu l’écho imaginé par ses créateurs, j’ai reçu de nombreux messages sur les réseaux sociaux me demandant, parfois avec véhémence, pourquoi je n’étais pas signataire, » explique Claire*.

Deux signataires de la tribune confirment même s’être inquiétés en apparaissant dans la liste: « Je savais qu’en la signant, j’allais me prendre des retours sur les réseaux sociaux, ça n’a pas traîné, » souffle Louis*. « Il n’a pas fallu plus de dix minutes pour qu’un raid numérique ne se lance sur Instagram et X, » livre de son côté Emma*.

Face aux risques de violences, peu d’entre eux ont ouvertement remis en question cette impérieuse nécessité de prendre la parole. « J’ai l’impression qu’on est de moins en moins sur Twitch à mettre l’accent sur le gaming. On dirait qu’on est passés d’une plateforme « détente/divertissement » a un fourre-tout ultra politisé », déplore sur X, ex-Twitter le streamer Altair_Gaming (qui n’a pas répondu à Tech&Co).

« Tu ne peux pas être de droite sur Twitch »

D’une manière générale, la vingtaine de personnes interrogées par Tech&Co fait part d’un « soupçon permanent »: « Tu t’exprimes, tu deviens une cible, tu ne le fais pas, tu en es une quand même, et c’est encore pire depuis les législatives où si tu n’appelles pas au vote en faveur du Nouveau Front populaire, tu deviens carrément un facho, » interpelle Florine*.

« On ne va pas se mentir, sur Twitch, la tendance est plutôt à une pensée de gauche, tu ne peux pas être de droite, » ajoute Rémi. « Si vous commencez à avoir une ligne plus à droite, que vous l’assumez, ou tout simplement que vous essayez de faire la part des choses, on vous catégorise. »

Certains streameurs pointent également du doigt le soutien indirect de la plateforme de streaming Twitch pour des opérations jugées « politiquement loin d’être neutres, trop souvent de gauche, comme le Streamers 4 Palestinians, largement relayé sur les réseaux sociaux et en page d’accueil du site »: « Twitch se rend coupable de cette pression permanente », avancent plusieurs des personnalités interrogées. Contacté par Tech&Co, Twitch n’a pas donné suite à notre demande de commentaire.

Une politisation contrainte des influenceurs, qui fait le bonheur des politiques. « Malgré eux, certains influenceurs ont été désignés comme l’étendard de certains partis », observe Romain Fargier. Le chercheur cite notamment Squeezie, dont l’image a été largement récupérée par le Nouveau Front populaire, ou encore Tibo InShape, nouvel atout de l’extrême droite.

Pourtant, ni l’un ni l’autre ne se sont prononcés clairement en faveur d’un parti. « On est sur un phénomène de camps et de boucles identitaires qui s’affrontent sur le terrain du numérique », conclut le spécialiste des réseaux sociaux. Et dans cette bataille numérique, les influenceurs deviennent une arme à part entière.

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*les prénoms ont été modifiés à leur demande.

Sylvain Trinel et Salomé Ferraris

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