Sur Arte.tv, ces webdocumentaires mettent en lumière des personnages dans les coins des tableaux

C’est avec Zamor que tout a vraiment démarré : voici deux ans, l’unité Art & spectacle de la chaîne franco-allemande Arte, a demandé à l’agence Capa (Newen Studios) de concevoir une série documentaire numérique consacrée aux personnages secondaires de tableaux. L’idée était de pouvoir, en creux, raconter la société d’une époque. « Les gens d’Arte connaissaient notre savoir-faire en matière d’investigation, décrit la journaliste Maud Gangler, désormais productrice éditoriale au sein de l’agence Capa. La contrainte était de faire correspondre enquête et personnages secondaires. »

Journaliste et réalisatrice, Maud Gangler est productrice éditoriale chez Capa Presse/Newen Studios. DR

Elle s’est alors mise en quête, avec des réalisatrices (Elisa Hélain, Clara Losi, Noémie Mayaudon), des documentalistes et un consultant historique (Prem Carriou), de tableaux « où figurent des personnages secondaires pour lesquels il existe suffisamment d’archives ». Pas question cependant de partir aux quatre coins du monde fouiller dans les réserves des musées, les archives de mairies ou d’offices notariaux : l’équipe s’est « juste » plongée dans Internet.

« L’archive peut être moderne »

Grâce à de nombreux sites, et en premier lieu Gallica , la bibliothèque numérique de la BNF (bibliothèque nationale de France), ils ont pu analyser des centaines de tableaux et rechercher les informations permettant de reconstituer les biographies des personnages y figurant. Des informations à portée de clic, c’est le principe de l’enquête en sources ouvertes, « preuve que l’archive peut être moderne », résume Maud Gangler.

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C’est donc en tombant sur Madame du Barry à sa toilette, à laquelle Zamor présente une tasse de café, tableau peint au XVIII^e siècle par Jean-Baptiste André Gautier-Dagoty, que le projet a véritablement pris tournure : « C’était le tableau parfait, décrit la productrice, il permettait de raconter à la fois la vie au château à Versailles, le parcours de Zamor, jeune enfant acheté comme esclave au Bangladesh, son témoignage contre la comtesse au moment de la Révolution française, et sa mort dans la misère. »

Narration par une comédienne

Comme pour les cinq autres personnages (1) de cette première salve de Quelle histoire ! Enquête sur la toile, l’innovation réside dans le récit : on suit la recherche pas à pas, d’une pépite à l’autre, archive dégottée au fin fond d’un inventaire de succession, ou dans les minutes d’un procès.

Le titre de cette série s’est imposé de lui-même : « Au fur et à mesure que l’on avançait dans nos recherches, explique Maud Gangler, on se disait, mais quelle histoire ! Chacun des personnages pourrait faire l’objet d’une fiction de cinéma ! » Dotés d’un habillage élégant, la narration assurée par une comédienne, ces six premiers webdocumentaires d’environ dix minutes chacun, se dévorent d’un coup. On en reprendrait bien. Maud Gangler l’assure : « Nous en avons d’autres en réserve ! »

(1) Les six documentaires sont mis en ligne à partir du 4 septembre : Zamor ; Farinelli le célèbre castrat du XVIII^e siècle ; les esclaves noires cobayes du gynécologue américain Sims ; Ninon de Lenclos, courtisane et femme de lettres ; Maria Barbara d’Asquin, la « naine de cour » en Espagne ; et le « travesti » du Berlin des années folles.